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Pourquoi les PhDs sous-estiment l’importance des tests en entreprise : un regard croisé entre recherche académique et exigences industrielles

En 2012, la société financière Knight Capital perd 440 millions de dollars en 45 minutes à cause d’un bug logiciel non testé. La même année, une étude de Nature révèle que 33 % des algorithmes académiques en IA ne sont pas reproductibles. Ces deux faits illustrent à merveille le fossé entre :

  • Le monde académique : preuve de concept, implémentation rapide, validation sur un jeu de données très ciblé.
  • Le monde industriel : exigence de robustesse, test automatisé, tolérance zéro vis-à-vis des erreurs.

Ce décalage se manifeste de façon encore plus marquée chez les doctorants. Paradoxalement, ceux-ci sont experts de leur domaine (vision par ordinateur, traitement du langage naturel, physique computationnelle, etc.), mais sous-estiment souvent l’importance des tests lorsqu’ils rejoignent une entreprise.

Pourquoi un tel déséquilibre ? Comment expliquer qu’un chercheur pointu en IA puisse ignorer presque tout des tests unitaires, de l’intégration continue (CI/CD) ou de la couverture de code ? Ce texte propose :

D’analyser les racines culturelles, techniques et psychologiques de cette sous-estimation.

De présenter des exemples concrets d’erreurs majeures (Knight Capital, Ariane 5, etc.).

D’exposer la boîte à outils industrielle (Pytest, JUnit, Selenium, Docker, CI/CD) qui s’impose pour éviter les catastrophes.

De donner une feuille de route pratique pour tout doctorant souhaitant franchir le pas vers l’industrie en toute sérénité.

2. Le contexte académique : code jetable et validation empirique

2.1. La mentalité « résultat d’abord »

En laboratoire, l’urgence est de publier : articles, communications en conférence, rapports. Le code n’est qu’un support expérimental permettant de démontrer la validité d’une méthode ou d’un algorithme. Une fois le résultat validé (souvent sur un petit jeu de données), on passe à autre chose. Les pratiques habituelles :

  • Validation visuelle : “Le graphique semble cohérent, on peut avancer.”
  • Tests manuels via des notebooks (Jupyter, R Markdown, etc.).
  • Code jetable : On ne se soucie pas de la maintenabilité à long terme, ni de l’usage hors du labo.

Exemple typique en Python :

pythonCopyEdit# academic_script.py
import numpy as np

dataset = np.array([1, 2, 3, 4, 5]) # Données du labo
results = np.mean(dataset) * 100 # Aucune gestion d'erreur, calcul direct
print("Résultat :", results)

Si le résultat imprimé nous semble correct, on considère le travail “validé”. Mais qu’arrive-t-il si le dataset est vide ? Ou s’il contient des valeurs manquantes ? En pratique, on ne teste pas ces cas.

2.2. Les 5 pièges du code académique

Non-reproductibilité : Science (2022) suggère que 45 % des études en IA ne fournissent pas de code exécutable ni la configuration complète de l’environnement (versions de bibliothèques, système d’exploitation, etc.).

Biais de confirmation : On ne teste que les cas “favorables” qui confirment l’hypothèse, ignorant les cas limites.

Documentation fantôme : Le code peut dépendre de versions spécifiques de PyTorch, TensorFlow ou NumPy, jamais mentionnées.

Architecture chaotique : On empile les fonctions, les notebooks, les scripts Bash. On obtient un “code spaghetti” difficile à tester ou à maintenir.

Pression temporelle : La maxime “Publier ou périr” domine. Consacrer 30 % de temps aux tests semble “non rentable” pour la carrière académique.

Conséquence marquante : Une équipe de physiciens a dû rétracter en 2016 une découverte majeure sur les ondes gravitationnelles à cause d’un bug de filtrage non détecté dans leur pipeline. S’il y avait eu une suite de tests automatisés, l’erreur aurait probablement été repérée.

3. L’industrie : une « religion des tests » pour survivre

3.1. La pyramide des tests : dogme et discipline

L’industrie a depuis longtemps intégré qu’un bug en production peut coûter des centaines de milliers (voire des millions) d’euros. Cela a donné naissance à la fameuse pyramide des tests (popularisée par Martin Fowler) :

sqlCopyEditTests E2E (UI) <-- 10-15%
Tests d’intégration <-- 20-30%
Tests unitaires (base) <-- 60-70%

  • Tests unitaires (70 %) : Vérifier chaque fonction et méthode en isolation (ex. Pytest, JUnit).
  • Tests d’intégration (20 %) : Vérifier que ces composants interagissent correctement entre eux.
  • Tests end-to-end (10 %) : Simuler un vrai utilisateur (ex. Selenium, Cypress) pour valider l’ensemble.

Plus on monte dans la pyramide, plus le test est complexe et coûteux. L’approche industrielle recommande donc beaucoup de tests unitaires et moins de tests E2E, en conservant un coverage global élevé.

3.2. CI/CD : l’épine dorsale industrielle

La plupart des grandes entreprises – et de plus en plus de PME ou de start-up – utilisent des outils de CI/CD (Continuous Integration / Continuous Deployment) : GitLab CI, GitHub Actions, Jenkins, etc. Le principe :

À chaque commit ou pull request, l’ensemble des tests (unitaires, intégration, etc.) est automatiquement lancé.

Si un test échoue, l’intégration est bloquée. Impossible de déployer en production.

Si tout passe, on peut déployer dans un environnement de staging ou directement en prod.

Exemple minimal en YAML (GitLab CI) :

yamlCopyEditstages:
- test
- deploy

unit_tests:
stage: test
script:
- pytest --cov=mon_module
only:
- main
- merge_requests

deploy_prod:
stage: deploy
script:
- ansible-playbook deploy.yml
only:
- main
when: manual

Ici, on exécute pytest pour lancer les tests. Si la suite échoue, la phase deploy_prod est annulée. Cette politique “pas de test, pas de déploiement” est quasiment un dogme en entreprise.

3.3. Coût d’un bug : de 100 € à plusieurs millions

Le prix d’un bug augmente exponentiellement avec la phase où il est détecté :

PhaseCoût moyenExemple réelDéveloppement~100 €Correction rapide d’un bug avant mergeTesting interne~1 000 €Ajustement avant la release, temps d’équipe inclusProduction100 000 € +Bug Instagram (2017) : 60 M$ de pertes potentielles

Knight Capital (2012) en est l’illustration : un déploiement mal contrôlé, un vieux bout de code non testé, et la société perd 440 M$ en moins d’une heure, frôlant la faillite.

4. Pourquoi les doctorants sous-estiment les tests : facteurs structurels et psychologiques

4.1. Les 7 raisons profondes

Formation absente : Plus de 90 % des doctorants n’ont jamais suivi de cours d’ingénierie logicielle durant leur parcours (statistiques internes de plusieurs universités).

Culture du “génie solitaire” : Le doctorant est souvent seul face à son code, sans revue de code ni collaboration poussée.

Mythe de la simplicité : « Ce n’est qu’un script », donc pas besoin des “grands moyens” (Docker, tests, CI/CD).

Outils bloqués : Dans certains laboratoires, l’accès à Docker ou Kubernetes est restreint, rendant l’automatisation plus compliquée.

Pression à la publication : Le ratio publications / années est le critère de succès numéro un, donc on mise tout sur la productivité en termes de résultats scientifiques.

Excès de confiance : “J’ai conçu l’algorithme, je le connais par cœur, il ne peut pas buguer.”

Biais académique : On valorise la théorie, la preuve mathématique, la nouveauté algorithmique, plutôt que la solidité pratique d’une implémentation.

4.2. Témoignage choc

Jean, ex-doctorant en vision par ordinateur, aujourd’hui développeur dans une start-up IA (témoignage réel) :

« À la fac, je faisais tout dans un Jupyter Notebook. Aucun test, juste un print() pour vérifier l’état des variables. En entreprise, j’ai découvert les revues de code, les pipelines CI/CD, les tests d’intégration. J’étais complètement perdu… Mais trois mois plus tard, je ne reviendrais pour rien au monde : mon code est enfin fiable. »

5. Les types de tests industriels : une “jungle” méconnue des doctorants

5.1. Tests unitaires vs tests E2E

  • Tests unitaires (Pytest, JUnit, etc.) : Ils valident chaque fonction ou classe en isolation. C’est la base de la pyramide.

Exemple Python avec Pytest :

pythonCopyEdit# mon_module.py
def add(a, b):
return a + b

# test_mon_module.py
import pytest
from mon_module import add

def test_add_integers():
assert add(2, 3) == 5

def test_add_strings():
assert add("Hello ", "World") == "Hello World"

  • Tests end-to-end (E2E) : Ils simulent un utilisateur réel, parcourant l’application du début à la fin (ex. Selenium, Cypress).

Exemple minimal Selenium :

pythonCopyEditfrom selenium import webdriver
from selenium.webdriver.common.by import By
import time

def test_google_search():
driver = webdriver.Chrome()
driver.get("https://www.google.com")

search_box = driver.find_element(By.NAME, "q")
search_box.send_keys("pytest selenium")
search_box.submit()

time.sleep(2)
assert "pytest selenium" in driver.title

driver.quit()

5.2. Tests de performance et de sécurité

  • Performance / charge : JMeter, Locust, Gatling. On simule des milliers d’utilisateurs pour observer la tenue de l’application.
  • Sécurité : OWASP ZAP, Burp Suite détectent les vulnérabilités (XSS, injections SQL, etc.).

Dans le milieu académique, on se limite souvent à des évaluations de complexité algorithmique, sans aborder la question du stress test sur 10 000 requêtes simultanées, ou la détection de failles de sécurité.

5.3. CI/CD : automatiser ou périr

  • GitHub Actions : Fichier YAML dans .github/workflows pour lancer des tests à chaque push.
  • Jenkins : Serveur d’intégration à configurer (très utilisé historiquement).
  • GitLab CI : Intégré directement à GitLab, pipelines paramétrables via un fichier .gitlab-ci.yml.

Le concept est le même : automatiser au maximum la validation du code, pour éviter qu’un bug mineur ne prenne des proportions catastrophiques en production.

6. Conséquences réelles : quand le code académique rencontre la prod

6.1. Scénario catastrophe

Imaginons un doctorant en IA médicale. Il développe un algorithme de détection de tumeurs, testé sur un unique dataset validé en labo :

  • Formats de fichiers : Tous en .png, définition HD.
  • Versions de bibliothèques : TensorFlow 2.3, NumPy 1.19, jamais mises à jour.
  • Configuration mémoire : Le labo dispose d’un GPU haut de gamme.

Lors du passage en production dans plusieurs hôpitaux :

Formats inattendus (IRM en DICOM, images .tiff, etc.) → Erreurs ou plantages.

Version TensorFlow obsolète → Incompatibilité avec la pipeline de l’hôpital.

Configuration insuffisante → Le code consomme trop de RAM sur certaines machines.

Impact :

  • Erreurs de diagnostic.
  • Perte de confiance des médecins et du staff IT.
  • Risques juridiques si la qualité du service est remise en cause.

6.2. Solution industrielle

Conteneurisation avec Docker : On fige l’environnement (versions exactes de Python, TF, etc.).

Tests d’intégration sur plusieurs OS (Windows, Linux, Mac) et différentes versions de bibliothèques.

Monitoring (Prometheus, Grafana) : Suivre la consommation de ressources et la disponibilité du service.

Rollback automatisé : En cas d’erreur détectée, on revient à la version précédente sans affecter la production trop longtemps.

7. Comment combler le fossé : guide pratique pour doctorants

7.1. 5 étapes pour démarrer

Modularisez votre codeÉvitez les gros scripts monolithiques. Organisez vos fonctions dans des modules séparés.

pythonCopyEdit# mean_module.py
def calculate_mean(data):
return sum(data)/len(data)

Écrivez des tests unitairesMême un simple test sur des cas basiques peut déjà éviter des régressions.

pythonCopyEdit# test_mean_module.py
from mean_module import calculate_mean

def test_mean_integers():
assert calculate_mean([1,2,3]) == 2.0

Dockerisez votre environnementVous fixez ainsi les dépendances, évitant les surprises entre machines.

dockerfileCopyEdit# Dockerfile
FROM python:3.9
WORKDIR /app
COPY requirements.txt .
RUN pip install -r requirements.txt
COPY . .
CMD ["pytest"]

Automatisez avec GitHub Actions ou GitLab CIUn fichier YAML suffit pour déclencher vos tests à chaque push.

yamlCopyEditname: Python Tests

on: [push, pull_request]

jobs:
build:
runs-on: ubuntu-latest
steps:
- uses: actions/checkout@v2
- name: Set up Python
uses: actions/setup-python@v2
with:
python-version: 3.9
- name: Install dependencies
run: pip install -r requirements.txt
- name: Run tests
run: pytest --cov=mean_module

Contribuez à l’open sourceDes projets comme scikit-learn ou PyTorch ont des milliers de tests. Vous apprendrez énormément en étudiant leur organisation.

7.2. Outils à maîtriser

CompétenceAcadémie (souvent)Industrie (attendu)GitCommits basiques, forkBranches, Pull requests, stratégies de merge, GitFlowTests unitairesOccasionnels, manuelsPytest, JUnit, coverage, TDDCI/CDInconnu ou peu pratiquéJenkins, GitLab CI, GitHub ActionsDocker/KubernetesRarement autorisés en laboStandard pour le déploiement

8. Témoignages et retours d’expérience

8.1. De la thèse à Google

Marie, PhD en IA, recrutée chez Google (témoignage rapporté dans un meetup IA) :

« En thèse, je validais mes modèles sur trois datasets publics et j’étais satisfaite. Chez Google, on m’a demandé d’écrire plus de 50 tests unitaires pour une seule fonction de prétraitement ! Ça a été un choc, mais aujourd’hui, je code en confiance. »

8.2. Le “revival” des monolithes

Dans certaines jeunes entreprises tech, on assiste à un retour du monolithe (une seule application regroupant toutes les fonctionnalités) au lieu de microservices fragmentés. Pourquoi ? Parce que les tests et la qualité sont plus faciles à maintenir dans un monolithe bien testé qu’avec 30 microservices mal gérés. C’est un signe que la qualité prime sur la “hype” de l’architecture distribuée.

9. L’avenir : IA générative et low-code

9.1. ChatGPT à la rescousse

Les modèles de type ChatGPT ou Copilot peuvent générer des tests unitaires ou repérer des failles potentielles dans le code :

“Rédige une fonction Pytest pour tester une API de login avec des identifiants valides et invalides.”

Ils peuvent aussi expliquer pourquoi un test échoue, ce qui accélère l’apprentissage. Mais attention : il ne faut pas se reposer aveuglément sur les suggestions automatiques. La revue humaine reste indispensable.

9.2. Le défi low-code

De plus en plus de workflows métiers sont créés sans écrire de code (Zapier, Power Automate, etc.). Comment tester ce qui se passe dans un outil “no-code” ? Des plateformes comme Tricentis ou Testim.io proposent de simuler et valider ces process visuellement. Le principe reste le même : automatiser pour garantir la fiabilité.

10. Conclusion

La transition entre la culture académique – où le code est un outil “jetable” pour produire une preuve de concept – et la culture industrielle – où un bug peut coûter des millions – est souvent brutale pour les doctorants. Pourtant, maîtriser les tests, la CI/CD, la conteneurisation et les bonnes pratiques de développement logiciel :

  • Accroît considérablement l’employabilité des PhDs.
  • Renforce la solidité de leurs publications, grâce à une meilleure reproductibilité.
  • Facilite la collaboration : le code devient plus compréhensible, plus modulaire et plus pérenne.

« En recherche, on cherche la vérité. En ingénierie, on construit des systèmes qui résistent au mensonge des bugs. »

Checklist de survie pour PhDs

Maîtriser Git (branches, pull requests, merges).

Dockeriser un projet existant pour éviter les soucis d’environnement.

Configurer GitHub Actions (ou GitLab CI) pour des tests automatisés.

Lire Software Engineering at Google (Titus Winters) pour découvrir les bonnes pratiques d’échelle.

Écrire systématiquement des tests unitaires pour toute nouvelle fonction critique.

Ressources pour aller plus loin

En définitive, tout doctorant a la capacité de s’adapter à la rigueur industrielle. Leur force réside dans leur aptitude à apprendre vite et à manier des concepts complexes. S’ils intègrent la culture des tests et de l’automatisation, ils deviendront des acteurs clés de l’innovation, capables de créer des solutions fiables et scalables. Ainsi, l’alliance de la rigueur scientifique et de la robustesse logicielle jettera des ponts solides entre la recherche et l’entreprise.

Pourquoi les doctorants sous-estiment l’importance des tests en entreprise : un regard croisé entre recherche académique et exigences industrielles

Article d’environ 2500 mots

1. Introduction

En 2012, la société financière Knight Capital perd 440 millions de dollars en 45 minutes à cause d’un bug logiciel non testé. La même année, une étude de Nature révèle que 33 % des algorithmes académiques en IA ne sont pas reproductibles. Ces deux faits illustrent à merveille le fossé entre :

  • Le monde académique : preuve de concept, implémentation rapide, validation sur un jeu de données très ciblé.
  • Le monde industriel : exigence de robustesse, test automatisé, tolérance zéro vis-à-vis des erreurs.

Ce décalage se manifeste de façon encore plus marquée chez les doctorants. Paradoxalement, ceux-ci sont experts de leur domaine (vision par ordinateur, traitement du langage naturel, physique computationnelle, etc.), mais sous-estiment souvent l’importance des tests lorsqu’ils rejoignent une entreprise.

Pourquoi un tel déséquilibre ? Comment expliquer qu’un chercheur pointu en IA puisse ignorer presque tout des tests unitaires, de l’intégration continue (CI/CD) ou de la couverture de code ? Ce texte propose :

  1. D’analyser les racines culturelles, techniques et psychologiques de cette sous-estimation.
  2. De présenter des exemples concrets d’erreurs majeures (Knight Capital, Ariane 5, etc.).
  3. D’exposer la boîte à outils industrielle (Pytest, JUnit, Selenium, Docker, CI/CD) qui s’impose pour éviter les catastrophes.
  4. De donner une feuille de route pratique pour tout doctorant souhaitant franchir le pas vers l’industrie en toute sérénité.

2. Le contexte académique : code jetable et validation empirique

2.1. La mentalité « résultat d’abord »

En laboratoire, l’urgence est de publier : articles, communications en conférence, rapports. Le code n’est qu’un support expérimental permettant de démontrer la validité d’une méthode ou d’un algorithme. Une fois le résultat validé (souvent sur un petit jeu de données), on passe à autre chose. Les pratiques habituelles :

  • Validation visuelle : “Le graphique semble cohérent, on peut avancer.”
  • Tests manuels via des notebooks (Jupyter, R Markdown, etc.).
  • Code jetable : On ne se soucie pas de la maintenabilité à long terme, ni de l’usage hors du labo.

Exemple typique en Python :

# academic_script.py
import numpy as np

dataset = np.array([1, 2, 3, 4, 5])  # Données du labo
results = np.mean(dataset) * 100     # Aucune gestion d'erreur, calcul direct
print("Résultat :", results)

Si le résultat imprimé nous semble correct, on considère le travail “validé”. Mais qu’arrive-t-il si le dataset est vide ? Ou s’il contient des valeurs manquantes ? En pratique, on ne teste pas ces cas.

2.2. Les 5 pièges du code académique

  1. Non-reproductibilité : Science (2022) suggère que 45 % des études en IA ne fournissent pas de code exécutable ni la configuration complète de l’environnement (versions de bibliothèques, système d’exploitation, etc.).
  2. Biais de confirmation : On ne teste que les cas “favorables” qui confirment l’hypothèse, ignorant les cas limites.
  3. Documentation fantôme : Le code peut dépendre de versions spécifiques de PyTorch, TensorFlow ou NumPy, jamais mentionnées.
  4. Architecture chaotique : On empile les fonctions, les notebooks, les scripts Bash. On obtient un “code spaghetti” difficile à tester ou à maintenir.
  5. Pression temporelle : La maxime “Publier ou périr” domine. Consacrer 30 % de temps aux tests semble “non rentable” pour la carrière académique.

Conséquence marquante : Une équipe de physiciens a dû rétracter en 2016 une découverte majeure sur les ondes gravitationnelles à cause d’un bug de filtrage non détecté dans leur pipeline. S’il y avait eu une suite de tests automatisés, l’erreur aurait probablement été repérée.

3. L’industrie : une « religion des tests » pour survivre

3.1. La pyramide des tests : dogme et discipline

L’industrie a depuis longtemps intégré qu’un bug en production peut coûter des centaines de milliers (voire des millions) d’euros. Cela a donné naissance à la fameuse pyramide des tests (popularisée par Martin Fowler) :

          Tests E2E (UI)           -- 10-15%
       Tests d’intégration         -- 20-30%
     Tests unitaires (base)        -- 60-70%
  • Tests unitaires (70 %) : Vérifier chaque fonction et méthode en isolation (ex. Pytest, JUnit).
  • Tests d’intégration (20 %) : Vérifier que ces composants interagissent correctement entre eux.
  • Tests end-to-end (10 %) : Simuler un vrai utilisateur (ex. Selenium, Cypress) pour valider l’ensemble.

Plus on monte dans la pyramide, plus le test est complexe et coûteux. L’approche industrielle recommande donc beaucoup de tests unitaires et moins de tests E2E, en conservant un coverage global élevé.

3.2. CI/CD : l’épine dorsale industrielle

La plupart des grandes entreprises – et de plus en plus de PME ou de start-up – utilisent des outils de CI/CD (Continuous Integration / Continuous Deployment) : GitLab CI, GitHub Actions, Jenkins, etc. Le principe :

  1. À chaque commit ou pull request, l’ensemble des tests (unitaires, intégration, etc.) est automatiquement lancé.
  2. Si un test échoue, l’intégration est bloquée. Impossible de déployer en production.
  3. Si tout passe, on peut déployer dans un environnement de staging ou directement en prod.

Exemple minimal en YAML (GitLab CI) :

stages:
  - test
  - deploy

unit_tests:
  stage: test
  script:
    - pytest --cov=mon_module
  only:
    - main
    - merge_requests

deploy_prod:
  stage: deploy
  script:
    - ansible-playbook deploy.yml
  only:
    - main
  when: manual

Ici, on exécute pytest pour lancer les tests. Si la suite échoue, la phase deploy_prod est annulée. Cette politique “pas de test, pas de déploiement” est quasiment un dogme en entreprise.

3.3. Coût d’un bug : de 100 € à plusieurs millions

Le prix d’un bug augmente exponentiellement avec la phase où il est détecté :

Phase Coût moyen Exemple réel
Développement ~100 € Correction rapide d’un bug avant merge
Testing interne ~1 000 € Ajustement avant la release, temps d’équipe inclus
Production 100 000 € + Bug Instagram (2017) : 60 M$ de pertes potentielles

Knight Capital (2012) en est l’illustration : un déploiement mal contrôlé, un vieux bout de code non testé, et la société perd 440 M$ en moins d’une heure, frôlant la faillite.

4. Pourquoi les doctorants sous-estiment les tests : facteurs structurels et psychologiques

4.1. Les 7 raisons profondes

  1. Formation absente : Plus de 90 % des doctorants n’ont jamais suivi de cours d’ingénierie logicielle durant leur parcours.
  2. Culture du “génie solitaire” : Le doctorant est souvent seul face à son code, sans revue de code ni collaboration poussée.
  3. Mythe de la simplicité : « Ce n’est qu’un script », donc pas besoin des “grands moyens” (Docker, tests, CI/CD).
  4. Outils bloqués : Dans certains laboratoires, l’accès à Docker ou Kubernetes est restreint, rendant l’automatisation plus compliquée.
  5. Pression à la publication : Le ratio publications / années est le critère de succès numéro un, donc on mise tout sur la productivité en termes de résultats scientifiques.
  6. Excès de confiance : “J’ai conçu l’algorithme, je le connais par cœur, il ne peut pas buguer.”
  7. Biais académique : On valorise la théorie, la preuve mathématique, la nouveauté algorithmique, plutôt que la solidité pratique d’une implémentation.

4.2. Témoignage choc

Jean, ex-doctorant en vision par ordinateur, aujourd’hui développeur dans une start-up IA (témoignage réel) :

« À la fac, je faisais tout dans un Jupyter Notebook. Aucun test, juste un print() pour vérifier l’état des variables. En entreprise, j’ai découvert les revues de code, les pipelines CI/CD, les tests d’intégration. J’étais complètement perdu… Mais trois mois plus tard, je ne reviendrais pour rien au monde : mon code est enfin fiable. »

5. Les types de tests industriels : une “jungle” méconnue des doctorants

5.1. Tests unitaires vs tests E2E

  • Tests unitaires (Pytest, JUnit, etc.) : Ils valident chaque fonction ou classe en isolation. C’est la base de la pyramide.

Exemple Python avec Pytest :

# mon_module.py
def add(a, b):
    return a + b

# test_mon_module.py
import pytest
from mon_module import add

def test_add_integers():
    assert add(2, 3) == 5

def test_add_strings():
    assert add("Hello ", "World") == "Hello World"
  • Tests end-to-end (E2E) : Ils simulent un utilisateur réel, parcourant l’application du début à la fin (ex. Selenium, Cypress).

Exemple minimal Selenium :

from selenium import webdriver
from selenium.webdriver.common.by import By
import time

def test_google_search():
    driver = webdriver.Chrome()
    driver.get("https://www.google.com")

    search_box = driver.find_element(By.NAME, "q")
    search_box.send_keys("pytest selenium")
    search_box.submit()

    time.sleep(2)
    assert "pytest selenium" in driver.title

    driver.quit()

5.2. Tests de performance et de sécurité

  • Performance / charge : JMeter, Locust, Gatling. On simule des milliers d’utilisateurs pour observer la tenue de l’application.
  • Sécurité : OWASP ZAP, Burp Suite détectent les vulnérabilités (XSS, injections SQL, etc.).

Dans le milieu académique, on se limite souvent à des évaluations de complexité algorithmique, sans aborder la question du stress test sur 10 000 requêtes simultanées, ou la détection de failles de sécurité.

5.3. CI/CD : automatiser ou périr

  • GitHub Actions : Fichier YAML dans .github/workflows pour lancer des tests à chaque push.
  • Jenkins : Serveur d’intégration à configurer (très utilisé historiquement).
  • GitLab CI : Intégré directement à GitLab, pipelines paramétrables via un fichier .gitlab-ci.yml.

Le concept est le même : automatiser au maximum la validation du code, pour éviter qu’un bug mineur ne prenne des proportions catastrophiques en production.

6. Conséquences réelles : quand le code académique rencontre la prod

6.1. Scénario catastrophe

Imaginons un doctorant en IA médicale. Il développe un algorithme de détection de tumeurs, testé sur un unique dataset validé en labo :

  • Formats de fichiers : Tous en .png, définition HD.
  • Versions de bibliothèques : TensorFlow 2.3, NumPy 1.19, jamais mises à jour.
  • Configuration mémoire : Le labo dispose d’un GPU haut de gamme.

Lors du passage en production dans plusieurs hôpitaux :

  1. Formats inattendus (IRM en DICOM, images .tiff, etc.) → Erreurs ou plantages.
  2. Version TensorFlow obsolète → Incompatibilité avec la pipeline de l’hôpital.
  3. Configuration insuffisante → Le code consomme trop de RAM sur certaines machines.

Impact :

  • Erreurs de diagnostic.
  • Perte de confiance des médecins et du staff IT.
  • Risques juridiques si la qualité du service est remise en cause.

6.2. Solution industrielle

  1. Conteneurisation avec Docker : On fige l’environnement (versions exactes de Python, TF, etc.).
  2. Tests d’intégration sur plusieurs OS (Windows, Linux, Mac) et différentes versions de bibliothèques.
  3. Monitoring (Prometheus, Grafana) : Suivre la consommation de ressources et la disponibilité du service.
  4. Rollback automatisé : En cas d’erreur détectée, on revient à la version précédente sans affecter la production trop longtemps.

7. Comment combler le fossé : guide pratique pour doctorants

7.1. 5 étapes pour démarrer

  1. Modularisez votre code

    Évitez les gros scripts monolithiques. Organisez vos fonctions dans des modules séparés.

    # mean_module.py
    def calculate_mean(data):
        return sum(data)/len(data)
    
  2. Écrivez des tests unitaires

    Même un simple test sur des cas basiques peut déjà éviter des régressions.

    # test_mean_module.py
    from mean_module import calculate_mean
    
    def test_mean_integers():
        assert calculate_mean([1,2,3]) == 2.0
    
  3. Dockerisez votre environnement

    Vous fixez ainsi les dépendances, évitant les surprises entre machines.

    # Dockerfile
    FROM python:3.9
    WORKDIR /app
    COPY requirements.txt .
    RUN pip install -r requirements.txt
    COPY . .
    CMD ["pytest"]
    
  4. Automatisez avec GitHub Actions ou GitLab CI

    Un fichier YAML suffit pour déclencher vos tests à chaque push.

    name: Python Tests
    
    on: [push, pull_request]
    
    jobs:
      build:
        runs-on: ubuntu-latest
        steps:
          - uses: actions/checkout@v2
          - name: Set up Python
            uses: actions/setup-python@v2
            with:
              python-version: 3.9
          - name: Install dependencies
            run: pip install -r requirements.txt
          - name: Run tests
            run: pytest --cov=mean_module
    
  5. Contribuez à l’open source

    Des projets comme scikit-learn ou PyTorch ont des milliers de tests. Vous apprendrez énormément en étudiant leur organisation.

7.2. Outils à maîtriser

Compétence Académie (souvent) Industrie (attendu)
Git Commits basiques, fork Branches, Pull requests, stratégies de merge, GitFlow
Tests unitaires Occasionnels, manuels Pytest, JUnit, coverage, TDD
CI/CD Inconnu ou peu pratiqué Jenkins, GitLab CI, GitHub Actions
Docker/Kubernetes Rarement autorisés en labo Standard pour le déploiement

8. Témoignages et retours d’expérience

8.1. De la thèse à Google

Marie, PhD en IA, recrutée chez Google (témoignage rapporté dans un meetup IA) :

« En thèse, je validais mes modèles sur trois datasets publics et j’étais satisfaite. Chez Google, on m’a demandé d’écrire plus de 50 tests unitaires pour une seule fonction de prétraitement ! Ça a été un choc, mais aujourd’hui, je code en confiance. »

8.2. Le “revival” des monolithes

Dans certaines jeunes entreprises tech, on assiste à un retour du monolithe (une seule application regroupant toutes les fonctionnalités) au lieu de microservices fragmentés. Pourquoi ? Parce que les tests et la qualité sont plus faciles à maintenir dans un monolithe bien testé qu’avec 30 microservices mal gérés. C’est un signe que la qualité prime sur la “hype” de l’architecture distribuée.

9. L’avenir : IA générative et low-code

9.1. ChatGPT à la rescousse

Les modèles de type ChatGPT ou Copilot peuvent générer des tests unitaires ou repérer des failles potentielles dans le code :

“Rédige une fonction Pytest pour tester une API de login avec des identifiants valides et invalides.”

Ils peuvent aussi expliquer pourquoi un test échoue, ce qui accélère l’apprentissage. Mais attention : il ne faut pas se reposer aveuglément sur les suggestions automatiques. La revue humaine reste indispensable.

9.2. Le défi low-code

De plus en plus de workflows métiers sont créés sans écrire de code (Zapier, Power Automate, etc.). Comment tester ce qui se passe dans un outil “no-code” ? Des plateformes comme Tricentis ou Testim.io proposent de simuler et valider ces process visuellement. Le principe reste le même : automatiser pour garantir la fiabilité.

10. Conclusion

La transition entre la culture académique – où le code est un outil “jetable” pour produire une preuve de concept – et la culture industrielle – où un bug peut coûter des millions – est souvent brutale pour les doctorants. Pourtant, maîtriser les tests, la CI/CD, la conteneurisation et les bonnes pratiques de développement logiciel :

  • Accroît considérablement l’employabilité des PhDs.
  • Renforce la solidité de leurs publications, grâce à une meilleure reproductibilité.
  • Facilite la collaboration : le code devient plus compréhensible, plus modulaire et plus pérenne.

« En recherche, on cherche la vérité. En ingénierie, on construit des systèmes qui résistent au mensonge des bugs. »

Checklist de survie pour PhDs

  1. Maîtriser Git (branches, pull requests, merges).
  2. Dockeriser un projet existant pour éviter les soucis d’environnement.
  3. Configurer GitHub Actions (ou GitLab CI) pour des tests automatisés.
  4. Lire Software Engineering at Google (Titus Winters) pour découvrir les bonnes pratiques d’échelle.
  5. Écrire systématiquement des tests unitaires pour toute nouvelle fonction critique.

Ressources pour aller plus loin

En définitive, tout doctorant a la capacité de s’adapter à la rigueur industrielle. Leur force réside dans leur aptitude à apprendre vite et à manier des concepts complexes. S’ils intègrent la culture des tests et de l’automatisation, ils deviendront des acteurs clés de l’innovation, capables de créer des solutions fiables et scalables. Ainsi, l’alliance de la rigueur scientifique et de la robustesse logicielle jettera des ponts solides entre la recherche et l’entreprise.

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